Voilà le genre de défi que vous entendez régulièrement en pratiquant avec le vrai public. C’est pour cela que les tours de « carte pensée » sont particulièrement appréciés des magiciens (et aussi du public, of course !). Malheureusement, il n’y en a pas autant que cela qui passent la rampe, en restant simples d’exécution, sans comptage mathématique compliqué ni autres astuces alambiquées… D’ailleurs, à ma connaissance, il n’existe pas aujourd’hui de livre entièrement consacré aux tours de cartes pensées et si c’est le cas (parce que bien qu’étant cartomaniaque émérite, je peux me tromper), c’est une sacrée lacune !
Alors pour notre 1er cours, je vous ai déniché un tour de carte pensée facile à faire et pas compliqué mais qui n’a jamais été décris comme il faut… voici en exclusivité pour vous la seule et vraie façon de présenter le tour de Gene Grant et Sam Schwartz : PSYCHORAMA.
Ma version personnelle de la carte pensée :
On en trouve une version nommée PSYCHORAMA dans le livre « More self-working card tricks », vendu en format poche par Dover dans toutes les bonnes librairies américaines. En France, Richard Vollmer l’a traduit dans le tome 2 de sa « Petite anthologie des tours de cartes au-to-ma-ti-ques », sous le titre « Une sur cinq ». Dans les deux cas, on remet cinq cartes à un spectateur, en lui demandant de penser à l’une d’entre elles, et on « devine » laquelle en posant une série de questions. Dès qu’il répond « non » à l’une de ces questions, on connaît la carte pensée.
Et bien cette méthode est très mauvaise et même le plus abruti de vos spectateurs endormis flashera que vous procédez par élimination (surtout qu’il n’y a que cinq cartes au départ et que c’est vous qui les avez choisies !!!). Pourquoi ne pas leur demander leur code secret de carte bleue pendant que vous y êtes…
Voilà comment ce tour doit être présenté pour qu’il devienne inquiétant pour votre public - « mon dieu, il lit dans mes pensées ! "- et jubilatoire pour vous à présenter :
Les cinq cartes utilisées sont :
- 9 de cœur, As de carreau, Roi de cœur, 7 de trèfle, 6 de cœur.
Plutôt que de les sortir directement du jeu, il est bien plus intelligent de les faire prendre par les spectateurs eux-mêmes : non seulement ils ne penseront plus que les cartes ont été spécialement choisies pour vous faciliter les choses (ce qui est le cas !) mais il devient évident que vous ne pouvez pas les connaître à l’avance ; autrement dit : vous lisez dans les pensées !
Oui mais comment faire en sorte que les spectateurs choisissent justement ces cartes là ?
Si t’es pas un bleu en cartomagie, toi mon bonhomme, moi je suis les Beatles !!! Ben tu peux leur forcer les cartes si t’es un as du forçage classique, mais je crois plutôt que tu vas faire un simple change entre les cartes qu’ils auront choisies et celles que tu as préparées en douce au début du tour… Tu vois, je lis dans tes pensées, alors pour faire un change sympa et fastoche, c’est ici que ça se passe :
J'ai mis au point ce change de cartes très simple :
Pour cela, placez le 9 cœur, l’As de carreau, le Roi de cœur, le 7 de trèfle, le 6 de cœur sous le jeu où vous les maintenez avec un break de la main gauche.
Etalez le reste du jeu en ruban entre vos mains et demandez aux spectateurs de toucher du doigt cinq cartes au hasard. Ces cartes sont à moitiés sorties du jeu au fur et à mesure que les spectateurs les touchent...
...et lorsqu’ils en ont choisi cinq, vous les retirez de la main droite.
Vous retirez les cinq cartes touchées par les spectateurs.
Vous allez les échanger contre celles maintenues au break sous le jeu tout simplement en plaçant le jeu que vous teniez en main gauche sur les cartes sélectionnées que vous tenez en main droite.
Les cartes choisies sont glissées dans le break, juste au-dessus des cartes que vous souhaitez échanger.
Dans le même temps,la main gauche avec les cinq cartes qu’elle maintenait au break s'éloigne vers la gauche. Tandis que la main droite emmène le reste du jeu vers la droite (et le retourne face en l'air !)
Cela crée une misdirection. C’est un échange fait ouvertement mais qui passe inaperçu car aux yeux du public, vous avez simplement changé les cartes de main. Pour le public, le tour n’a pas encore commencé. Alors que pour vous, c’est déjà fini !
Vous donnez les 5 cartes à l’un des spectateurs en lui demandant de les mélanger puis de les étaler entre ses mains. Dites-lui de se concentrer sur l’une des cartes, celle qui l’attire le plus et lorsqu’il sera convaincu de son choix, de mélanger à nouveau les cartes et de les glisser dans sa poche, à l’abri de tous les regards.
Dans le tour classique, on posait une série de questions du style « La carte à laquelle vous pensez est rouge ? »
Si le spectateur disait oui, vous continuez avec : « Votre carte est un cœur ? », etc
Si le spectateur disait « non » vous saviez immédiatement que sa carte était donc le 7 de trèfle puisque c’est la seule carte noire parmi les cinq. Et à chaque nouvelle question, lorsqu’il répondait « non », cela vous indiquait la carte qu’il avait choisie. Vous conviendrez qu’il n’était pas la peine de sortir de la cuisine à Jupiter pour comprendre comment le truc marchait !
En revanche, en travaillant bien le texte, on peut jouer avec le spectateur et lui faire croire que l’on sait depuis le début la carte à laquelle il pense, et que nos réparties font partie du show.
Voici le texte qui est resté caché pendant tant d’années !
Ce texte qui n’a jamais figuré dans les explications du tour de la carte pensée, le voici en cadeau pour vous :
- « Je vois du rouge, je n’ai pas dis que je voyais rouge mais quand même un petit peu… votre carte est rouge n’est-ce pas ? »
Si la réponse est NON :
- « Si, si, j’en suis sûr, c’est une carte rouge qui AU DEBUT vous a empêché de penser à une carte noire, c’est exact ? vous voyez, on ne peut rien me cacher… c’est d’ailleurs embêtant quelquefois… En effet, je vois beaucoup de rouge dans vos mains mais paradoxalement la carte à laquelle vous pensez est noire, je dirai même qu’il s’agit du 7 de trèfle ! » Vous voyez comment on peut faire oublier au spectateur qu’il a répondu « non » et lui faire penser que vos hésitations étaient voulues.
Si la réponse est OUI :
- « La carte à laquelle vous pensez est rouge, bien… l’étau se resserre !
Entrons plus au cœur du problème, quand je dis cœur, c’est une expression bien sûr, néanmoins, il est question de cœur, n’est-ce pas ? Vous êtes un homme de cœur et vous pensez à un cœur ? »
Si la réponse est NON :
- « Ha bon ? Vous n’êtes plus un homme de cœur ? Vous l’étiez pourtant dans le passé ! Qu’est-ce qui vous a fait changer vos habitudes ? Une mauvaise expérience qui vous a laissé sur le carreau ? Le carreau… OUI, bien sûr, vous pensez à l’As de carreau ! » E effet, lorsque le spectateur répond « non » à cœur, la seule carte rouge à laquelle il peut penser est l’As de carreau. Voyez ici aussi comme c’est bien amené.
Si la réponse est OUI :
- « Vous pensez à une carte rouge, vous pensez à une carte de cœur… continuez, vous êtes un médium extraordinaire, je reçois toutes vos pensées en modulation de fréquence…
La carte à laquelle vous pensez est soit une figure (valet, dame, roi), soit une carte à points… elle arrive à point nommé d’ailleurs : vous pensez à une carte à points ? »
Si la réponse est NON :
- « Ce n’est pas une carte qui tombe à point, je pencherais pour une tête couronnée, une carte royale… remarquez, ça peut tomber aussi une tête royale… vous pensez au Roi de cœur ! » Le Roi de cœur est en effet la seule figure parmi les cinq cartes, et comme il ne pense pas à une carte à points…
Si la réponse est OUI :
- « Vous pensez à une carte rouge, un cœur, qui porte des points, cela se précise incroyablement, c’est un nombre impair de points, n’est-ce pas ? »
Si la réponse est NON :
- « Je confondais avec le bulletin météo « imper », c’est qu’il va pleuvoir demain, faudra pas oublier vos impers… mais la carte que vous avez en tête est soit le 2 de cœur, le 4 de cœur, le 6 de cœur, le 8 de cœur… vous vous êtes fissurés quand j’ai dit 6 de cœur… vous pensez au 6 de cœur ! » En effet, la seule carte paire parmi les rouges est le 6 de cœur et comme il vient de vous dire qu’il ne pense pas à une carte impaire, CQFD !
Si la réponse est OUI :
- « Vous pensez à une carte rouge, un cœur, qui porte des points, un nombre impair de ponts… je lis parfaitement dans votre esprit ce soir : la carte à laquelle vous pensez est le 9 de cœur ! » Et là, c’est un sans faute assez bluffant !
EN GUISE DE CONCLUSION :
Vous allez me dire : « Mais comment faire pour se souvenir de toutes ces phrases ? » Hum, vous exagérez un p’tit peu quand même, faut vous mâcher le travail. Hé bien, sachez que vous pouvez écrire ce petit pense-bête soit sur votre manchette de chemise, soit sur une ardoise que vous utiliserez pour lire dans les pensées, soit dans un petit carnet à spirale alors que vous dessinez dessus les ondes que vous recevez du spectateur, etc, etc. Bon sang, les idées ne manquent pas, vous êtes mentaliste ou non ?
Ha, et puis encore un truc important : n’écrivez pas les questions à poser, bien sûr que non. Le seul truc à écrire, c’est :
Une carte rouge ? si NON : le 7 de trèfle
Si OUI : un cœur ? si NON : l’As de carreau
Si OUI : une carte à points ? si NON : Le Roi de cœur
Si OUI : une carte impaire ? si NON : le 6 de cœur
Si OUI : le 9 de cœur
Voilà, amusez-vous bien !